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Lettre des décideurs – Juin 2023 Développement professionnel continu des enseignants : enjeux et signaux « faibles » pour répondre aux besoins

À l’heure, où les défis de l’École du XXIe siècle n’ont jamais été aussi grands pour assurer l’égalité des chances et le succès de tous les élèves, nous sommes nombreux à partager la conviction que le développement professionnel continu est l’un des leviers les plus puissants pour revaloriser le métier d’enseignant et favoriser la réussite des élèves.

La formation continue des enseignants a été beaucoup remise en question ces dernières années et nous avons souhaité comprendre les perceptions des enseignants actuels concernant leur développement professionnel continu. e. Que recouvre cette notion pour eux aujourd’hui ? Quelle est la part de formel et d’informel dans leur démarche ?

Les résultats de ce baromètre viennent éclairer une certaine réalité des pratiques et usages des enseignants concernant leur développement professionnel continu.

À quoi ressemblerait la formation idéale pour les enseignants ? Une formation qui répond rapidement à leurs besoins du moment, une formation concrète avec de la mise en pratique, directement applicable en classe et organisée dans l’établissement.

Florence Rizzo,
Co-directrice et co-fondatrice de l’association Ecolhuma

Pour mettre ces résultats en perspective, nous vous proposons un webinaire mercredi 30 août à 17h avec :
Romuald Normand, Professeur associé à l'Université Normale de Pékin et Professeur honoraire à l'Université d'Aarhus-Copenhague, Marie-Laure de Bue et Raphaële Lombard-Brioult, directrice des EAFC de Créteil et Versailles et Marine Portex, docteur en sciences cognitives et responsable de la recherche chez Ecolhuma.

Les résultats clés du baromètre sur la formation continue des enseignants en 2023

  • 80% des enseignants disent être à l’initiative de leur développement professionnel

  • 1 enseignant sur 2 se forme via Internet ou les réseaux sociaux

  • Une majorité des enseignants se forme en dehors de leur temps de travail

  • 3 impacts du développement professionnel continu sur les pratiques des enseignants

Méthodologie : 

Les résultats de cette enquête ont été mesurés auprès d’un échantillon de 1020 enseignants de la communauté enseignante ÊtrePROF, reposant sur un échantillon de volontaire et pondéré afin de correspondre aux moyennes nationales et corriger ainsi les biais d’échantillonnage. 

L’enquête a été menée sous la responsabilité de Marine Portex, docteure en psychologie cognitive, avec l’appui de Marie-France Boulay, Amélie Desmeules et Pier-Ann Boutin, chercheuses en sciences de l’éducation à l’Université de Laval au Québec, ainsi que Julie Sierra, chargée de recherche à Ecolhuma.

Les pratiques et usages des enseignants en termes de développement professionnel continu

Le développement professionnel est “’un processus par lequel, individuellement et collectivement, les enseignants révisent, renouvellent et augmentent leur engagement en tant qu’acteurs de changement, aux fins morales de l’éducation. Grâce à ce processus, ils acquièrent et développent de façon critique le savoir, les habiletés et l’intelligence émotionnelle qui sont essentiels à une pensée, à une planification et à une pratique de qualité tout au long de la vie professionnelle (Day, 1999).

Le développement professionnel continu offre une vision élargie de la notion de formation continue en intégrant notamment des temps informels d’échanges entre pairs. Ce baromètre vise à explorer la “face immergée de l’iceberg” pour comprendre leurs pratiques de développement professionnel continu. Qu’est-ce qui leur permet aujourd’hui de répondre à leurs besoins professionnels du quotidien ?

Quels usages et pratiques actuels des enseignants dans leur développement professionnel continu ?

Les résultats du baromètre nous disent que les enseignants se forment continuellement, et sont à l’initiative de leur développement professionnel à 80%. Ils n’hésitent pas à combiner les modes digitaux (avec Internet et les réseaux sociaux pour plus de 50% d’entre eux) à des modes plus collaboratifs grâce à l’aide reçue entre pairs : les réseaux d’enseignants ou des échanges informels entre collègue sont utilisés par plus de 40% d’entre eux.

Pour aider les élèves hyperactifs dans ma classe je suis en permanence en recherche de contenus courts et efficaces sur internet pour trouver de nouvelles idées et m'améliorer.

Les enseignants sont une majorité à se former pendant les vacances scolaires (67%), les week-end (55%) et en soirée (45%). 

Le DPC représente une charge de travail supplémentaire pour l’enseignant qui est à ce jour difficilement visible et quantifiable. Cette pratique pose une question de valorisation de cet investissement en auto-formation par rapport à  l’hétéro-formation (proposée par un tiers) (Cyrot, 2011).

Pour aller plus loin sur le concept d’Auto-formation : article de Cyrot, P. (2011). Autoformation(s). Dans : Philippe Carré éd., Traité des sciences et des techniques de la formation (pp. 331-348). Paris: Dunod.

Zoom sur ... les enseignants débutants.

Cette pratique du digital via les réseaux sociaux et internet est plus marquée chez les enseignants débutants. Cette spécificité des nouvelles générations d’enseignants pourrait laisser imaginer une “génération Covid” qui, au vu du contexte sanitaire, s’est tournée spontanément vers le digital et a été amenée à développer rapidement des compétences en numérique sous la contrainte de la pandémie. Une deuxième hypothèse pourrait être que ces enseignants recherchent de la réassurance au travers de partage d’expérience sur leur propre pratique, comme l’expliquent Marie-France Boulay et Amélie Desmeules, chercheuses en sciences de l’éducation à l’Université de Laval au Québec.

Le choc de la Réalité

Pour plusieurs jeunes enseignants de 0 à 5 ans d’expérience, un temps d’appropriation de leur nouvelle profession est nécessaire avant de penser à s’engager dans leur développement professionnel. Plusieurs sont en « mode survie », et ont très peu de temps et d’énergie pour le reste : les premières années, ils sont confrontés à l’ampleur et à la complexité de la tâche enseignante dans une classe réelle. (...) à rendre sur l’apprentissage à leur direction d’établissement, à leurs collègues, aux parents d’élèves… Il y a une certaine inadéquation entre leur conception de ce qu’était l’enseignement et ce qu’ils vivent réellement. On parle de « choc de la réalité» .

Marie-France Boulay et Amélie Desmeules,

chercheuses en sciences de l’éducation à l’Université de Laval au Québec

Quels besoins en développement professionnel continu des enseignants ?

Trois besoins thématiques majeurs sont exprimés par plus de 30% des enseignants ayant répondu : engager les élèves dans les apprentissages, trouver un équilibre entre vie professionnelle et personnelle pour 36%, enseigner aux élèves avec des besoins particuliers (35%) et développer ses compétences dans l’enseignement de sa (ses) discipline(s) pour 34%. 

Sur les 12 derniers mois, les enseignants se sont principalement formés sur l’enseignement de leur discipline.

Au-delà des thématiques centrées sur leurs discipline(s), plus de 50% des enseignants sont attentifs à ce qu’elles répondent à un besoin immédiat et s’intègrent dans leur quotidien.

La formation idéale, d’après les déclarations des enseignants, pourrait regrouper les caractéristiques suivantes : qui intervient rapidement, qui répond à des besoins présents, concrète avec de la mise en pratique, applicable en classe et organisée dans l’établissement. 

Quels impacts des activités de développement professionnel sur les pratiques pédagogiques ?

Les résultats du baromètre font apparaître deux niveaux d’impacts sur les enseignants engagés dans un développement professionnel continu. 

  • le premier dans leur engagement personnel auprès des élèves, qui se traduit par une attention et un soutien aux élèves permettant une relation de qualité avec eux. 

 

  • le deuxième dans leurs pratiques pédagogiques avec une amélioration de la structure de leurs méthodes d’enseignements en classe (explicitation des objectifs et attentes, des retours clairs et cohérents ainsi que l’utilisation de méthodes pédagogiques adaptées) et un soutien à l’autonomie des élèves plus marqué.  

L’ensemble de ces résultats recoupe des résultats précédents montrant que les activités de développement professionnel ont d’autant plus d’impact si : 

  • elles sont directement en lien avec les contenus à enseigner et les pratiques d’enseignement (Garet, Porter, Desimone, Birman & Yoon, 2001), 
  • les enseignants sont réellement mis au travail de manière participative et active (Saxen Gearheart, & Nasir, 2001)
  • le travail repose sur des échanges entre pairs autant que sur un apprentissage individuel (Little, 2006; Borko, 2004)

  • La difficulté à persévérer : selon les enseignants, la difficulté à persévérer concerne 30% de leurs élèves. Or ce signe avant-coureur du décrochage se manifeste de façon différenciée selon les niveaux scolaires et les filières. Le taux d’élèves non-persévérants varie de plus de 10 points de pourcentage entre le lycée général et technologique (28% d’élèves concernés) et le lycée professionnel (39% d’élèves concernés).
  • Le désengagement : défini comme un ensemble d’attitudes allant de la passivité au refus scolaire, le désengagement est un second signe majeur de risque de décrochage à court ou moyen terme. D’après les enseignants, le désengagement augmente tout au long de la scolarité : il concerne 18% des élèves en élémentaire contre 25% au collège et 33% en lycée professionnel.

Propositions de 3 leviers d'actions pour intégrer au mieux ces pratiques

  • Combiner les dimensions du développement professionnel : la réalisation de ce baromètre met en lumière de nouveaux usages et pratiques qui font intervenir 7 dimensions dans le développement professionnel continu et que nous pourrions synthétiser ainsi :7

La combinaison de ces dimensions pourrait permettre de créer des formations hybrides proches des besoins et pratiques constatés. 

  • Faire de l’établissement un échelon stratégique de conception et mise en œuvre du DPC : 

“Le recours à une logique professionnelle accordant confiance et autonomie aux enseignants est un des fondements historiques des systèmes éducatifs et de leur régulation” comme le mentionne Vincent Dupriez dans Peut-on réformer l’école (2015).

Les résultats du baromètre nous montrent que l’engagement dans une démarche de développement continue est associée positivement à la motivation des enseignants (et inversement) et à des pratiques pédagogiques favorables à la réussite des élèves. Le travail mené par Ingersoll en 2011 en s’appuyant sur les données de la Schools and Staffing Survey montre que là où les enseignants sont davantage associés aux prises de décision, il est observé plus de coopération entre enseignants et des personnels plus engagés dans leur métier (…). 

Un levier pourrait être de redonner une part d’autonomie aux établissements dans la stratégie de formation des équipes enseignantes, en lien avec les programmes des EAFC. Le chef d’établissement, en associant les équipes enseignantes, pourrait répondre aux besoins précis et spécifiques tout en rendant acteurs les enseignants en cohérence avec l’évaluation et le projet d’établissement.

  • Renforcer le pouvoir d’agir des enseignants en reconnaissant les compétences acquises en autoformation

Le développement professionnel continu réalisé sur Internet et les réseaux sociaux hors du temps professionnel impacte les pratiques enseignantes et participe au développement de leurs compétences pédagogiques tout au long de leurs carrières. 

Réfléchir et trouver une manière de les valoriser contribuerait à la reconnaissance de cet investissement réalisé spontanément et volontairement par l’enseignant. Un geste fort contribuant au lien de confiance avec l’institution.

Nous sommes disponibles pour répondre à vos questions, vous pouvez nous contacter à contact@ecolhuma.fr

Lettre des décideurs – Ecolhuma – juin 2023

Florence Rizzo

Co-fondatrice

Elle grandit en zone rurale dans l’est de la France et poursuit sa scolarité dans des écoles publiques. Ses parents n’ont pas le “bac” mais ils croient fermement en l’éducation. Son père, fils de mineur lui transmet une conscience sociale et sa mère infirmière, une culture du soin. Curieuse et avide d’apprendre, elle a la chance de partir en Hypokhâgne au lycée Lakanal de Sceaux puis d’intégrer quelques “grandes écoles” : ScPo, Essec, Insead. A chaque fois, le même sentiment d’assister à une forte reproduction des inégalités, ce qui renforce son engagement et son envie de contribuer à la réduction de ces inégalités. Ecolhuma naît en 2012 de cette envie profonde de mettre ses compétences au service d’une éducation de qualité accessible à tous et de la conviction que cela ne pourra se faire sans un accompagnement humain de celles et ceux qui font l’école au quotidien. Elle croise la route de nombreuses personnes qui font d’Ecolhuma une aventure collective.

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