Ancien senior en cabinet de conseil en stratégie, Arnaud de Bertier a fait un virage décisif dans sa carrière il y a trois ans en rejoignant l’éducation nationale dans un collège en éducation prioritaire de l’Essonne. Il nous raconte son itinéraire, son envie de transmettre et l’urgence d’agir de manière préventive auprès des élèves pour éviter les décrochages scolaires.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre itinéraire et votre envie d’aider les élèves en difficulté ?
« Après trente années de ma vie à travailler avec des adultes, j’ai ressenti le besoin de m’occuper d’enfants. Le collège m’est apparu comme le lieu idéal qui accueille tous les enfants, puisqu’il n’y a pas encore eu de sélection.
Je suis enseignant de mathématique en éducation prioritaire, où la proportion d’élèves en difficulté est très importante. Parmi les 28 élèves de ma classe, une dizaine sont en difficulté, hors éducation prioritaire, ils ne seraient pas plus de 5 par classe.
Quels sont vos leviers d’action auprès de ces élèves dans votre travail au sein de la classe ?
Beaucoup de dispositifs de remédiation en dehors de l’école existent, mais pour moi la question essentielle c’est comment aller vers ces élèves pendant les cours, alors même qu’ils font tout pour éviter le regard du prof. Face à cela, ma première obsession c’est de leur donner envie d’être là. Certains élèves me disent qu’ils aiment bien l’ambiance dans mes cours. Je fais aussi mon maximum pour circuler dans ma classe et encourager les élèves les élèves un par un, un peu comme un coach sportif. Le contact individuel est essentiel, car ces élèves ne prennent pas la parole en public.
L’autre grande question est celle des notes : comment faire pour ne pas complètement décourager ces élèves ? J’essaie de proposer une partie d’exercice facile pour que l’élève en grande difficulté puisse au moins avoir 6/20. Mon objectif est de les amener de 6/20 à 10/20. Le jour où ils obtiennent 10, c’est une grande victoire. J’essaie d’avoir toute la gamme de difficultés pour qu’il soit difficile mais possible d’arriver à 16 ou 18 et ainsi ne pas niveler par le bas.
EtrePROF, la plateforme d’Ecolhuma, m’a par exemple aidé pour réfléchir à l’organisation de la classe. S’appuyer sur EtreProf permet d’avoir des idées, on voit que c’est du vécu, et on prend son courage à deux mains et on teste, par exemple créer des binôme entre élève en difficulté et bon élève, ce qui parfois a très bien fonctionné, d’autres fois moins.
Qu’auriez-vous envie de dire à une personne qui envisage de devenir grand donateur d’Ecolhuma ?
En tant que grand donateur, quand on donne, on a envie d’un levier fort. L’effet de levier d’Ecolhuma est incroyable. Un euro donné est démultiplié. En permettant aux profs de partager les meilleures pratiques pédagogiques, on va avoir de l’impact sur des milliers de profs et donc sur des dizaines de milliers d’élèves. Si on se dit que l’éducation est la grande cause, que le vecteur c’est le bon prof auprès des élèves, tout ce qu’on peut faire auprès des enseignants est fondamental. Je me suis par exemple intéressé au système éducatif de Singapour qui en quelques décennies est devenu l’un des systèmes les plus performants au monde. Ils se sont avant tout focalisés sur la qualité des profs. L’Etat français fait déjà beaucoup de choses, mais il ne peut pas tout faire. Je crois beaucoup à la créativité et à la mobilisation des personnes passionnées par le sujet. Dans le domaine éducatif comme dans tant d’autres, la philanthropie a un grand rôle à jouer pour permettre aux acteurs associatifs de renforcer l’efficacité des politiques publiques.